Livre IX
Une Souris tomba du bec d’un Chat-Huant :
Je ne l’eusse pas ramassée ;
Mais un Bramin le fit : je le crois aisément ;
Chaque pays a sa pensée.
La Souris était fort froissée.De cette sorte de prochain
Nous nous soucions peu ; mais le peuple bramin
Le traite en frère. Ils ont en tête
Que notre âme, au sortir d’un roi,
Entre dans un ciron, ou dans telle autre bête
Qu’il plaît au Sort : c’est là l’un des points de loi.
Pythagore chez eux a puisé ce mystère.
Sur un tel fondement, le Bramin crut bien faire
De prier un Sorcier qu’il logeât la Souris
Dans un corps qu’elle eût eu pour hôte au temps jadis.
Le sorcier en fit une fille
De l’âge de quinze ans, et telle et si gentille,
Que le fils de Priam pour elle aurait tenté
Plus encore qu’il ne fit pour la grecque beauté.
Le Bramin fut surpris de chose si nouvelle.
Il dit à cet objet si doux :
« Vous n’avez qu’à choisir, car chacun est jaloux
De l’honneur d’être votre époux.
– En ce cas je donne, dit-elle,
Ma voix au plus puissant de tous.
– Soleil, s’écria lors le Bramin à genoux,
C’est toi qui seras notre gendre.
– Non, dit-il, ce nuage épais
Est plus puissant que moi, puisqu’il cache mes traits ;
Je vous conseille de le prendre.
– Hé bien ! dit le Bramin au nuage volant,
Es-tu né pour ma fille ? – Hélas ! non ; car le vent
Me chasse à son plaisir de contrée en contrée :
Je n’entreprendrai point sur les droits de Borée. »
Le Bramin fâché s’écria :
« Ô vent donc, puisque vent y a,
Viens dans les bras de notre belle. »
Il accourait ; un mont en chemin l’arrêta.
L’éteuf passant à celui-là,
Il le renvoie, et dit : « J’aurais une querelle
Avec le Rat ; et l’offenser
Ce serait être fou, lui qui peut me percer. »
Au mot de Rat, la damoiselle
Ouvrit l’oreille : il fut l’époux.
Un rat ! – Un rat : c’est de ces coups
Qu’Amour fait, témoin telle et telle.
Mais ceci soit dit entre nous.
On tient toujours du lieu dont on vient. Cette fable
Prouve assez bien ce point ; mais, à la voir de près,
Quelque peu de sophisme entre parmi ses traits :
Car quel époux n’est point au Soleil préférable,
En s’y prenant ainsi ? Dirai-je qu’un géant
Est moins fort qu’une puce ? Elle le mord pourtant.
Le Rat devait aussi renvoyer, pour bien faire,
La belle au Chat, le Chat au Chien,
Le Chien au Loup. Par le moyen
De cet argument circulaire,
Pilpay jusqu’au Soleil eût enfin remonté ;
Le Soleil eût joui de la jeune beauté.
Revenons, s’il se peut, à la métempsycose :
Le sorcier du Bramin fit sans doute une chose
Qui, loin de la prouver, fait voir sa fausseté.
Je prends droit là-dessus contre le Bramin même ;
Car il faut, selon son système,
Que l’Homme, la Souris, le Ver, enfin chacun
Aille puiser son âme en un trésor commun :
Toutes sont donc de même trempe ;
Mais, agissant diversement
Selon l’organe seulement,
L’une s’élève et l’autre rampe.
D’où vient donc que ce corps si bien organisé
Ne put obliger son hôtesse
De s’unir au Soleil ? Un Rat eut sa tendresse !
Tout débattu, tout bien pesé,
Les âmes des souris et les âmes des belles
Sont très différentes entre elles ;
Il faut en revenir toujours à son destin,
C’est-à-dire, à la loi par le Ciel établie :
Parlez au diable, employez la magie,
Vous ne détournerez nul être de sa fin.
Je ne l’eusse pas ramassée ;
Mais un Bramin le fit : je le crois aisément ;
Chaque pays a sa pensée.
La Souris était fort froissée.De cette sorte de prochain
Nous nous soucions peu ; mais le peuple bramin
Le traite en frère. Ils ont en tête
Que notre âme, au sortir d’un roi,
Entre dans un ciron, ou dans telle autre bête
Qu’il plaît au Sort : c’est là l’un des points de loi.
Pythagore chez eux a puisé ce mystère.
Sur un tel fondement, le Bramin crut bien faire
De prier un Sorcier qu’il logeât la Souris
Dans un corps qu’elle eût eu pour hôte au temps jadis.
Le sorcier en fit une fille
De l’âge de quinze ans, et telle et si gentille,
Que le fils de Priam pour elle aurait tenté
Plus encore qu’il ne fit pour la grecque beauté.
Le Bramin fut surpris de chose si nouvelle.
Il dit à cet objet si doux :
« Vous n’avez qu’à choisir, car chacun est jaloux
De l’honneur d’être votre époux.
– En ce cas je donne, dit-elle,
Ma voix au plus puissant de tous.
– Soleil, s’écria lors le Bramin à genoux,
C’est toi qui seras notre gendre.
– Non, dit-il, ce nuage épais
Est plus puissant que moi, puisqu’il cache mes traits ;
Je vous conseille de le prendre.
– Hé bien ! dit le Bramin au nuage volant,
Es-tu né pour ma fille ? – Hélas ! non ; car le vent
Me chasse à son plaisir de contrée en contrée :
Je n’entreprendrai point sur les droits de Borée. »
Le Bramin fâché s’écria :
« Ô vent donc, puisque vent y a,
Viens dans les bras de notre belle. »
Il accourait ; un mont en chemin l’arrêta.
L’éteuf passant à celui-là,
Il le renvoie, et dit : « J’aurais une querelle
Avec le Rat ; et l’offenser
Ce serait être fou, lui qui peut me percer. »
Au mot de Rat, la damoiselle
Ouvrit l’oreille : il fut l’époux.
Un rat ! – Un rat : c’est de ces coups
Qu’Amour fait, témoin telle et telle.
Mais ceci soit dit entre nous.
On tient toujours du lieu dont on vient. Cette fable
Prouve assez bien ce point ; mais, à la voir de près,
Quelque peu de sophisme entre parmi ses traits :
Car quel époux n’est point au Soleil préférable,
En s’y prenant ainsi ? Dirai-je qu’un géant
Est moins fort qu’une puce ? Elle le mord pourtant.
Le Rat devait aussi renvoyer, pour bien faire,
La belle au Chat, le Chat au Chien,
Le Chien au Loup. Par le moyen
De cet argument circulaire,
Pilpay jusqu’au Soleil eût enfin remonté ;
Le Soleil eût joui de la jeune beauté.
Revenons, s’il se peut, à la métempsycose :
Le sorcier du Bramin fit sans doute une chose
Qui, loin de la prouver, fait voir sa fausseté.
Je prends droit là-dessus contre le Bramin même ;
Car il faut, selon son système,
Que l’Homme, la Souris, le Ver, enfin chacun
Aille puiser son âme en un trésor commun :
Toutes sont donc de même trempe ;
Mais, agissant diversement
Selon l’organe seulement,
L’une s’élève et l’autre rampe.
D’où vient donc que ce corps si bien organisé
Ne put obliger son hôtesse
De s’unir au Soleil ? Un Rat eut sa tendresse !
Tout débattu, tout bien pesé,
Les âmes des souris et les âmes des belles
Sont très différentes entre elles ;
Il faut en revenir toujours à son destin,
C’est-à-dire, à la loi par le Ciel établie :
Parlez au diable, employez la magie,
Vous ne détournerez nul être de sa fin.
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